PERFECTIONNEMENT ET « PATTES DE CANARD »
Dans son appareil « à circuit ouvert », l’air vicié n’était plus, comme dans le « Submarine escape apparatus », épuré par une cartouche au fonctionnement précaire. Une fois consommé, il s’échappait au contraire par les bords du masque. De cette façon, le plongeur ne courait plus le risque d’être intoxiqué par le gaz carbonique. En outre, le nouveau scaphandre autonome n’utilisait plus l’oxygène, dangereux aux fortes pressions, mais de l’air comprimé. Le seul défaut de l’appareil Le Prieur était de débiter l’air continuellement, ce qui provoquait un certain gaspillage abrégeant de façon notable la durée de plongée. Cette durée était d’une vingtaine de minutes à huit mètres et d’un quart d’heure seulement à douze mètres. Néanmoins, un grand pas dans le domaine de la sécurité était accompli. En 1934, Le Prieur, aidé par Jean Painlevé et l’actrice Suzet Maïs, ces deux autres pionniers de la plongée libre, réalisaient le premier film sous-marin en couleurs et, en 1935, en créant les palmes en caoutchouc aujourd’hui familières à tous, le commandant de Corlieu complétait l’équipement de l’explorateur sous-marin.
Jusqu’en 1943, les ébats des scaphandriers autonomes demeurèrent cependant fort limités. Jamais, les plongeurs ne dépassaient une profondeur de douze mètres et la remontée, basée sur la stricte observance de la pratique des paliers de décompression, était encore fort lente.
Pourtant, en juillet 1943, Georges Comheines plongeait au large de Marseille, à une profondeur de cinquante-trois mètres et en remontait en deux minutes. Il utilisait un appareil de son invention apportant une amélioration à celui de Le Prieur. Cette amélioration consistait dans le fait que l’air comprimé n’était plus débité continuellement mais seulement à chaque aspiration du plongeur. Cette libération du gaz « à la demande » augmentait de façon notable la durée de plongée.
En octobre 1943, toujours devant Marseille, Frédéric Dumas atteignait une profondeur de soixante-deux mètres et en remontait également en deux minutes. Il usait, lui, de l’appareil créé par le commandant Jacques-Yves Cousteau et l’ingénieur Gagnan, version simplifiée de celui de Comheines.
Cette fois, le branle était donné. Les plongeurs possédaient un scaphandre leur permettant d’atteindre sans danger de grandes profondeurs. Une nouvelle branche de l’activité humaine naissait : celle l’exploration sous-marine. Dès 1944, la Marine française créait le « Groupe des Recherches Sous-Marines » dont la direction fut confiée au commandant Cousteau et au capitaine de corvette Philippe Tailliez.
Déjà, dès le début de la guerre, les nations combattantes avaient songé à former des groupes de combat semblables à ceux des « Urinatores » romains. Les « nuatatori » italiens forcèrent les défenses de Gibraltar, d’Alexandrie et d’Alger, et endommagèrent des cuirassés anglais et coulèrent des pétroliers et des cargos. Les nageurs japonais, par leur action, décidèrent de la prise de Hong-Kong. Quant aux « frogmen » anglais, ils s’illustrèrent en Normandie, sur le Rhin et sur l’Oder.
Pourtant, si, ne libérant aucune bulle d’air révélatrice, les scaphandres à « circuit fermé » employés en général par ces guerriers aquatiques assuraient la discrétion des opérations, ils présentaient un inconvénient grave : l’intoxication toujours possible du plongeur, même à des profondeurs relativement faibles, par l’oxygène sous pression. Pour cette raison, les Anglais durent limiter à des fonds de huit mètres le champ d’action de leurs hommes-grenouilles.
De nos jours, le scaphandre autonome du type Cousteau-Gagnan marque donc une évolution réelle sur les autres appareils utilisé jusqu’alors, puisqu’il permet des plongées à soixante, quatre-vingt-dix mètres de profondeur, et même au-delà. Si après un séjour plus ou moins long à ces grandes profondeurs, les paliers de décompression doivent encore être respectés lors de la remontée, ils peuvent cependant, suivant l’entraînement du plongeur, être appréciablement écourtés.